mardi 22 janvier 2008

Le beau, le brut et l'inutile

L'utilisation de cet objet pour le thé gong fu présente deux inconvénients :
- malgré les proportions imposantes du réceptacle, le diamètre utile est réduit par rapport aux dimensions d'un plateau en bambou classique ;
- la grille supérieure n'est pas plane : les deux baguettes principales qui la structurent dépassent d'un millimètre, théière et pot y reposent de façon instable. D'ailleurs, le bois ayant joué, la grille est maintenant inamovible...

J'ai dégoté ce truc dans une boutique près du Friendship Store de Pékin en octobre 2006. D'après la tenancière du magasin, le corps est constitué d'une unique pièce de bois. Une couche de vernis si épaisse et opaque empêche de s'en assurer. Au fond cela n'a aucune importance, sauf peut-être pour certains lecteurs traumatisés de La Coupe d'or, de Henry James. En attendant, je n'utilise quasiment jamais ce plateau (ou ce bateau, ce saladier, cette bonbonne, je ne sais pas comment l'appeler). Du moins pour le thé : ce morceau de bois d'un brun très sombre, presque noir, met en valeur tout objet qu'on y pose. Et cette belle demi-sphère trône dans mon salon, nue ou surmontée d'une théière ou d'une tasse.

Calyste se demandait récemment quels objets lui tenaient particulièrement à coeur. Celui-ci n'a pour moi aucune utilité ni aucune valeur sentimentale. Pourtant, si je devais partir sur une île déserte, peut-être l'emporterais-je : je suppose que sa forme le rend apte à la flottaison et qu'on pourrait en tirer quelques expériences de physique amusante.

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J'ai parfois des satisfactions un peu minces : ce soir, mon thé m'a plu. Un Dong Ding n°8 de la Maison des Trois Thés. Christophe l'évoquait à la fin de son article en date du 3 décembre dernier. La première fois, il m'avait ébloui. Puis, confiant, je n'ai pas soigné mon approche et manqué les deux gong fu suivants. De simplement délicat la deuxième fois, il était devenu insipide et plat la troisième : totalement raté. Ce soir, à ma quatrième tentative, j'ai retrouvé le plaisir de sa découverte.

Je ne fais pas une montagne de rater un thé. Cela m'arrive assez souvent. Même les thés de grande qualité, censés supporter les pires traitements, peuvent ne pas se relever des miens. Je ne suis pas appliqué et il m'arrive de négliger les fondamentaux - par curiosité, comme ça, pour voir, pour éprouver les règles, ou par paresse et négligence. Je n'ai jamais utilisé ni thermomètre, ni balance. Je privilégie une approche lente et intuitive. Partiellement raisonnée, dans le sens où je mémorise l'ordre de grandeur des paramètres et les corrige au besoin la fois suivante, mais essentiellement instinctive. Je ne veux pas m'escrimer avec le thé, je ne veux pas d'un thé laborieux, je préfère un thé qui ressemble à mon humeur.

3 commentaires:

Calyste a dit…

L'inutile a pour lui de n'être que lui-même, et c'est ainsi que, parfois, il devient essentiel.

Ta passion pour le thé est si belle...

geneviève meylan a dit…

ça me fait plaisir de lire ton approche du thé "intuitive" car je procède exactement pareil, sans thermomètre ni balance, à l'instinct et en mémorisant le tout pour les fois suivantes.
je rate aussi pas mal de choses mais j'obtiens aussi des moments d'exception !
la maîtrise rigide m'insupporte. mais je suis sûre qu'il existe un "entre-deux" que je pourrais découvrir.... à suivre

Patrick a dit…

J'avoue que plus le temps passe, plus je me dis que la balance me fait défaut. Au moins, je pourrais dédouaner le paramètre du grammage lorsqu'un thé que je prépare deux fois, d'un jour à l'autre se révèle si différent. Et cela me permettrait aussi de comparer mon geste avec celui d'autres amateurs, de me situer sur une référence commune.
Je trouve ton blog très agréable à regarder ! Je regrette souvent de ne pas pouvoir toucher la matière des objets que tu montres...