Outre son récit, et l'exposé plein de pudeur du travail de la mémoire sur les lieux de son drame intime, deux grandes questions émergent du film : "Tous ces morts, cela valait-il la peine ?" et "Que reste-t-il de tout cela dans la conscience chilienne ?" Carmen Castillo pose ces questions avec une remarquable délicatesse, de sa voix cassée, de celles qui trahissent une vie pas tendre, et balade sa beauté triste dans le Santiago d'aujourd'hui.
La beauté est d'ailleurs d'abord dans son regard de cinéaste, le film étant admirablement construit et équilibré. Comme dans un vrai film, on la voit évoluer en tant que personnage du récit ; elle revient en particulier sur son désir de récupérer à tout prix la maison de la rue Santa Fé. Elle qui voyait en ce lieu une sorte de sanctuaire, elle se trouve ébranlée dans son envie par les mots de son père, tentant de la remettre sur les rails du temps, ou par la rencontre d'étudiants, qui incarnent la continuation des idées pour lesquelles elle s'est battue, mais sous une forme nouvelle, inconnue d'elle, moins figée dans son organisation et dans son rapport au passé.
Je fais partie d'une génération à mille lieux de cet engagement - engagement politique que Sartre a interrogé par exemple. A l'issue de la projection, je me demandais quels étaient les combats qui valaient la peine d'un engagement semblable, aujourd'hui, dans la France de 2008. Mais peut-on faire preuve d'autant de lucidité pour comprendre le présent ? Les combats qui exigeraient maintenant un engagement ferme et pragmatique, je ne les reconnaîtrai probablement que demain, lorsqu'il sera trop tard...
Je m'en vais méditer sur tout cela devant un petit Dancong, aux arômes de pamplemousse si consolateurs.
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