vendredi 21 mars 2008

Toucher le fond

J'assistais hier à une représentation du Parsifal mis en scène par Warlikowski. S'il existait un spectacle à même de me détourner pour toujours des productions de cette boutique, ce pourrait être celui-ci. Que dire de certains qui, en réaction aux critiques, taxent de conservatisme et d'imbécillité le public - pauvre public qui se contente de manifester, avec les moyens dont il dispose, son refus ? Certains débats me fascinent par leur abjection.

Passons sur les références au 2001 de Kubrick. Qui prétendra détenir la clé de ce film ? Pour moi, 2001 raconte, de manière époustouflante, le périple d'un homme ballotté dans l'espace, victorieux d'un ordinateur un peu bizarre et qui par hasard se retrouve enfermé dans une ellipse spatio-temporelle. Quel rapport avec Parsifal ? Aucun. Le monolithe est-il un autre graal ? La forme n'y fait pas songer, et on pourrait s'attacher à interroger les symboles inhérents à l'œuvre qu'on propose plutôt que de lorgner sur ceux du voisin.

Passons sur les images d'Allemagne Année Zéro. L'enfant du film de Rossellini y apparaît comme le petit frère de celui qu'on voit sur scène, au deuxième acte dans un costume marin façon "Mort à Venise", dessinant des figures dans son cahier au premier acte et cultivant des légumes au troisième. Est-ce l'image d'une innocence désespérée ? Serait-ce le double de Parsifal (quel contresens !) ou une quelconque figure christique ? Le choix de cette séquence ne se justifie pas. J'en garderai en revanche le meilleur souvenir, grâce aux réactions d'un public peu éclairé par ces vessies.

Quant au recours aux années 20 et à son Art Déco pour exprimer l'idée d'une décadence, il commence à relever du lieu commun. Plus que dérangeante, la séquence des filles-fleurs, à ce titre, me paraît bien falote. Ajoutez à cela l'effeuillage d'un ténor immonde et me voilà affligé.

Au moins, la référence explicite au religieux et aux objets du culte chrétien, qui pourrait effrayer de nos jours, n'est pas éludée. Mais que les brancards en guise d'autel devant l'amphithéâtre confèrent à l'eucharistie l'esthétique d'une salle de dissection : c'est laid. Que les chevaliers du Graal se baladent en pulls jacquard empruntés aux Deschiens : c'est grotesque. Que deux choux et trois poireaux comme symbole de Nature suscitent l'émerveillement chez Gurnemanz : c'est me prendre pour un con.

Avec un peu d'effort, j'accepterais l'abstrus s'il ne m'était pas jeté au visage avec mépris. On touche là ce que cette production arbore de plus explicitement repoussant : Warlikowski se croit plus intelligent que Wagner. A citer hors de propos, dresser des parallèles (et les parallèles, par définition, ne se recoupent pas), à faire se répondre les œuvres, il n'en fait parler aucune. Alors, au lieu de proposer sa vision éclairante d'un livret touffu, parfois ambigu, il l'alourdit par des références plus confuses encore. Il semble que les passerelles, aussi artificielles soient-elles, qu'ils jettent à tort et à travers entre les œuvres l'intéressent davantage que chaque pièce individuellement. C'est se placer au-dessus de l'Histoire et de tous les arts.
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Reste la musique, qui nous sauvera, peut-être...

3 commentaires:

Calyste a dit…

Ce refus d'octroyer le droit à la critique me rappelle une anecdote. En sortant du TNP, il y a quelques années, je disais à quelqu'un ma déception devant le spectacle auquel nous venions d'assister. Furieux, l'autre se retourne vers moi et me lance, avec tout le mépris possible: "Toi, tu es pire que les snobs: qund les nobs aiment, toi, tu n'aimes pas!" Pauvre imbécile, qui n'avait pas compris que ce n'est pas le nom, si illustre soit-il, du metteur en scène ou du réalisateur qui fait la beauté de l'oeuvre. Inutile de rajouter que j'ai aussitôt pris de la distance avec cet individu.

Raphael a dit…

Pauvre de toi !
Pendant ce temps, C'est à la Philharmonie de Berlin que j'écoutais entre autres choses l'ouverture de Tristan et le liebestod d'Isolde magnifiquement dirigés par Daniel Barenboim à la tête d'une Staatskapelle des grands soirs.

Patrick a dit…

Je me suis consolé avec The Rake's Progress...
Je ne trouve pas un grand intérêt à la musique de Stravinsky mais ce livret, certes benêt et moralisateur, toutefois si plein de péripéties, fut pour Olivier Py le prétexte d'une mise en scène pétillante, bourrée d'astuce et, surtout, relevant d'autre chose que d'une esthétique à faire fuir. Même les scènes ouvertement sexuelles m'ont paru jolies à regarder...

Ouf ! Je croyais naguère éteinte ma capacité à apprécier quoi que ce fût.