À ma droite, une clownesque d'environ 70 ans, le cheveu décoloré en pétard débordant d'un gilet en laine effilochée façon angora, multicolore, assorti autant à des braies bariolées retombant sur ses DocMartens qu'aux poils de son menton par la texture, dissertait haut et fort avec ses copines d'un vernissage auquel elle se rendait à l'issue de la représentation.
À ma gauche, dans un genre différent, une femme du même âge, ratatinée sous un imperméable, simple jupe rouge et chemisier blanc, faisait rouler en tout sens des yeux exorbités et injectés de sang, prenait des mines de petite fille apeurée, s'appuyait contre le mur et soupirait : "Dire que nous sommes au jour des Ides de Mars. Qui sait aujourd'hui ce que sont les Ides de Mars ? Ah ! Jules César... Pauvre César..."
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À la fin du spectacle, une tripotée d'enfants, invités à aller voir de près les pupi, se matérialisa depuis les derniers rangs. Ce petit monde s'élança partout sur la scène, toucha le moindre centimètre carré de marionnette, tira comme des sauvages les fils du serpent, du cheval, de Rinaldo, brutalisa l'orgue de Barbarie, se suspendit au théâtre de carton, sous les huées d'un public qui préférait les voir assis. Une grosse vache d'environ sept ans rechignait particulièrement à quitter le centre de la scène. Deux marionnettistes souhaitaient faire la démonstration d'un combat entre Roland et un sujet de Rodomont ; la pauvresse, qui refusait de s'écarter, manqua se faire éborgner à chaque mouvement. Las ! d'un coup précis de Durandal, c'est la tête de la marionnette ennemie qui chut par un mécanisme ingénieux, non celle de la fillette.
Pour ma part, j'aurais préféré conserver du spectacle un souvenir plein d'émerveillement comme d'un moment magique, et ne pas assister à ces démonstrations - je ne parle pas des marionnettistes, mais des enfants. Ces déchaînements pénibles m'empêcheront toujours de cultiver en mon âme cette part d'enfance que je ne leur reconnais pas.
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