lundi 19 janvier 2009

Rites

Courir tout nu sous la lune, cela doit être amusant. Vite, ôtons nos vêtements, chantons en chœur et dansons ! Sentez-vous l'herbe fraîche sous vos pieds ? La nature nous dévore, l'air vif emplit nos poumons. Les températures s'adoucissent et je supporterai bien un peu de pluie... Prochaine lune pleine ? Le 9 février. J'ai le temps de crever trois fois de pneumonie. Je grelotte... Si on rentrait ?

Au moins, chez les maçons, on ferme la porte, pas de courant d'air. Je jette un coup d'oeil au programme : vertu, persévérance, sens de la mesure, écoute et réflexion... N'est-ce pas alléchant ? Qui ne voudrait cultiver ces splendeurs ? J'aurais cotisé depuis longtemps si tant de salamalecs ne m'avaient découragé. 



C'est malin. Je ne mettrai pas le nez dehors. Je me tourne, me retourne, jette des regards désespérés autour de moi. Que faire ? La bibliothèque me tend les bras, je vais feuilleter le dictionnaire. Riche idée : on y dégote de ces trésors ! Tous ces mots dont j'ignorais l'existence, et ceux dont je me plais à réviser le sens et la graphie... Mais, au secours ! l'orthographe a fait de moi un "bedonnant, repus et suffisant" ! ou un "jeune arriviste, raie à la gomina et lunettes bien propres" - la distinction s'effectue probablement par l'âge ; malgré la médiocrité du mien, une alopécie galopante me dispense de l'usage de tout produit capillaire, j'entre de fait dans la première catégorie. Beurk ! Vite, refermons le grimoire, je ne veux pas subir ses pouvoirs magiques et me transformer si jeune en crapaud.
(Notez au passage dans l'article en lien comme on refuse d'emblée aux personnes d'un milieu social défavorisé le seul goût des mots, de la lecture et de l'orthographe. Je m'affligeais de voir mes collègues écrire comme des sagouins, j'oubliais que les pauvres font des crétins plus sûrs.)

Le réel m'atteint de toute part. Les plantes meurent, les gens meurent aussi, il faut se coltiner tout cela. La foi en soulage certains, j'ai perdu la mienne en route et éprouve quelque réticence à l'anthropophagie. Même au boulot je ne serai plus tranquille - c'est bien simple, je n'irai plus, na ! J'attends un peu, je me lève encore le matin. Les jours passent, les saisons passent, rien n'y fait, on meurt toujours. Je vous vois venir : il ne suffit pas de ne plus y penser, on meurt tout de même, je vous assure ! Et j'ai beau calfeutrer les fenêtres, la poussière s'agglutine encore sous le lit, derrière la porte, le canapé. Je ne comprends pas. Mon aspirateur me regarde de travers. 

Bon, je ne bouge plus, je ne fais rien. Je ne m'alimente pas. Je n'ose plus boire le thé, à peine respirer. La déliquescence me guette. Voilà mes cils tombés, mes mains. Mon corps nourrit les rats. Je vois la lumière. Je suis mort.

22 commentaires:

Anonyme a dit…

c ke ta tro maT 6FU

koi T chov??

Patrick a dit…

B1 wè, T miρ ? G 2 poal sul Kyou.

Anonyme a dit…

Bwé FYI sui miro =1 top

javé pa vu ke ct 1 peruq ke tavé !


tro gnial t blog U koz grav la france + ya plin de mo

Anonyme a dit…

me U fé D fot osi, fo dir KU

Patrick a dit…

Put1 lol mdr J πj ri1 c koi FYI ?? ptdr
Et puis flûte, j'écris Kyou si je veux ! T'façon l'orthographe, c'est de l'impérialisme de classe...
D'ailleurs Flo, à propos de 6FU, faudrait peut-être que je te rende tes coffrets, tout de même. Tro G-an.

flo a dit…

FYI = For Your Information ; expression à valeur d'aspect ajoutée.
cf son usage dans le dialogue en deux temps entre Edie et Susan dans la saison 1, après que Susan aie fixé son premier rdv avec Mike.(il y a même un bonus consacré à cette scène si je me rappelle bien)
Si tu ne te rappelles pas par coeur, ça peut vouloir dire que tu peux garder les coffrets encore un peu -rien ne presse.

&joprim IIWT nanmého + I will need the basket back of course
;;)) \O/

Calyste a dit…

Ça devient compliqué de suivre!

Anonyme a dit…

ah oui, là en effet ce n'était pas clair.

explication : j'ai mis les coffrets (ceux prêtés à Patrick et dont il est ci-dessus question) dans un p'tit sac, comme Bree ses muffins dans un panier.

Patrick a dit…

Bon, le désarroi de Calyste est compréhensible. Et je ne crois pas que l'obscurité du dialogue qui précède soit uniquement imputable à cette histoire de panier... :-)

IIWT = "if I want to" ? J'ai bon ?

Tu sembles bien branchée sur l'introduction du franglais dans ce langage ; je trouve que l'emploi des lettres grecques y est trop négligé. Avec tout ça, on devrait pouvoir proposer l'ultime réforme orthographique en deux coups de cuillères à pot. Tiens, si on commençait par traduire le Petit Robert ? Cela serait sans doute fort utile à Calyste et aux autres. Je devrais proposer la chose au monsieur du blog en lien...

Anonyme a dit…

à part le panier, je ne vois pas... c'était-y pas intuitif ? Calyste

je suis assez d'accord sur le coup des lettres grecques, ça pourrait même faire métalangage pour certaines. et l'esprit rude pour abréger le H aspiré, c'est bien, très inspirant.

l'anglais a des abréviations pratiques : w8, U, dunno, go, les expressions et acronymes commençant par F, d'autres acronymes non mentionables ici, BTW, ASAP,... mais côté acronymes, c'est juste une question de convention, un groupe échangeant via smslang peut aisément bâtir son dictionnaire. oui réécrivons le dico, Calyste tu joues ?

IIWT : gagné, hey man NTTTU !

ok j'en ai une autre : ngrav, c'est quoi ? (on peut aussi noter Ngrav si on veut)

Patrick a dit…

Ngrav : genre "j'ai la haine grave" ? Terriblement énervé ?...

VanessaV a dit…

Très enthousiasmante au contraire ta version du rite... vive, éveillée, pertinente... un peu espiègle même!

Très peu pour moi la transsubstantiation mais l'anthropophagie de survie peut être sur le cours du chemin! Et puis je suis pour les rites d'adaptation à la vie, non ceux conformes ou normés pour l'acceptation des valeurs communes.

Pour le retour d'une prise en compte de la richesse de notre langue... et pour les pieds nus dans l'herbe sous la lune (mais sans aucun commandement en tête). Bien à toi!

Anonyme a dit…

"une nuigrave" = une clope

car "nuit gravement à la santé"

Patrick a dit…

Pas mal la ngrav, mais telle quelle l'expression me paraît un poil ambiguë - la preuve, je n'avais pas trouvé ! Et ce langage doit valoir pour sa concision, or ngrav a autant de lettres que clope... Mmh, pas totalement converti, sur ce coup-là... :-))
"Pu d'ngrav G la Ngrav fil 1 pliz"

Ravi que le récit de ces petits rites-là t'ait parlé, Vanessa ! Une recherche Google m'a inspiré. Le rite étant structurant par nature, j'ai aussi tenté d'illustrer la "déconstruction" qui s'ensuit de son absence. Et je me suis dépêché : j'avais mal lu, je croyais n'avoir que jusqu'au 27 janvier, et non février ! Et court l'imaginaire... :-)

Anonyme a dit…

tro bi1

fortu

geneviève meylan a dit…

nuitgrave = très très fin, très pot E tic !

Anonyme a dit…

j'ai aussi eu entendu dire "une fumétue", je trouve ça très rigolo.

je ne sais pas trop s'il faut appeler ce déplacement une métonymie, une paronomase une forme de métalepse du signe ou tout simplement un ricochet, en effet c'est très poétique.

un peu dans le même genre de jeu de déplacement dérisoire, Soïwatter citait une des origines attribuées à "coquille". grosso modo, un décret de 1911 donnait des directives concernant les oeufs, que les couilles devaient être propres et sans duvet etc...
la reprise du signe dessous le lapsus aurait donc servi à désigner le phénomène. Très Feydeau comme truc, non ?
On parle aussi d'une couille dans le pâté, "y a une couille" : peut-être la même origine ? moins moqueur. la coquille est plus marrante.

Patrick a dit…

Ah ! oui, mais alors là nous nous plaçons dans le domaine d'une sorte d'argal, plus dans celui du Smeusse. C'est fort différent, et fort riche, c'est vrai, quand le langage SMS, malgré son inventivité, me paraît tendre plutôt vers le dépouillement.

Alors, voyons voir :

- "métonymie" : figure de rhétorique par laquelle on exprime un concept au moyen d'un terme désignant un autre concept qui lui est uni par une relation nécessaire (la cause pour l'effet, le contenant pour le contenu, le signe pour la chose signifiée). Bon, dans le cas de la ngrave, je veux bien que l'effet nécessaire ("fumer tue" ou "nuit gravement à la santé") soit là utilisé pour désigner la chose. Va pour la métonymie... En revanche, je ne conceptualise pas la relation nécessaire unissant la coquille à la couille.

- "paronomase" : figure qui consiste à rapprocher des paronymes (mots presque homonymes, qui peuvent être confondus) dans une phrase. Alors là, couille et coquille seraient des sortes de paronymes calami mais qu'on ne rapproche pas nécessairement en paronomase - on se contente ici de substituer l'un à l'autre, on n'utilise pas les deux mots ensemble.

- "métalepse" : variété de métonymie qui consiste en la substitution, dans une phrase, de l'effet à la cause, de l'antécédent au conséquent, etc. La subtilité m'échappe. Je crois comprendre que pour certains la métalepse est une métonymie qui ne porte que sur un nom, pas sur une proposition. Cela ne me paraît pas très clair.

Benh dis donc ! C'est super rigolo en soi, les figures de rhétorique !

Anonyme a dit…

métonymie : si l'on considère que le fait de désigner par le mot "coquille" la totalité du process et de l'événement. L'usage du mot fontionnera alors comme une allusion et génèrera un référent spécifique ("le fait de typographier avec erreur par effet d'inattention ou d'inaperçu")

métalepse : si l'on considère que la langue en utilisant le signe "coquille" pour faire allusion à un process, le notifie en faisant directement allusion à son résultat. Le signe est elliptique (ellipse de "couille"), "coquille" désigne bien un résultat : l'erreur typo.

paronomase : là en effet ça se discute, parce qu'il n'y a pas qu'un seul process dans la production de la paronomase. Il ne s'agit pas seulement de l'accolade "matérielle" de deux mots.

on pourrait aussi tout simplement parler de mots-valise, dans lesquels il y plusieurs classes et qui renvoient à des process variés.

"une figure de style" est la narration d'un process sémantique, elle n'est pas un "objet fixe" auquel accoler une définition fixe.
La métonymie proustienne par exemple, est un truc assez complexe. Il y a un petit livre très intéressant de Genette sur la métalepse si ça t'intéresse (ça s'appelle "Métalepse", titre on ne peut plus explicite).

Il faut bien dire une chose : un process sémantique est descriptible sous plusieurs "théories" ou angles. le truc et le but du jeu est de trouver le degré de pertinence maximal. Sur ce coup-là je ne jure de ri1 !

Anonyme a dit…

et shit j'en fais une :D

erratum
il faut donc lire :

...par le mot "coquille" résume/contient la totalité du process...

Patrick a dit…

"le but du jeu est de trouver le degré de pertinence maximal..."

Si le degré de pertinence est discutable ou subjectif, ou si aucune définition ne semble vraiment coller, reste la possibilité d'inventer le nom de la figure...

Je retiens la référence de Genette. La quatrième de couv' est alléchante, ça peut être super intéressant ! Surtout, est-ce bien écrit ?

Anonyme a dit…

Genette écrit très bien, et la plupart des communications publiées ne demandent pas d'être en thèse pour suivre agréablement. Si mes souvenirs sont bons on trouve dans un volume de "Figures" un texte sur la métonymie chez Proust, mais à vérifier.

Métalepse est très intéressant. la métalepse y est pensée sous l'angle d'un process, un peu à la manière dont la pragmatique regarde la langue.
C'est fluide, tu n'auras pas l'impression de lire une trad de Heidegger en verlan occitan.
Mais si tu veux être sûr que ça t'aille, feuillette-le à la fnac (c'est fait pour ça, il y avait même ce spot des années 80 sur le thème d'un mec qui passait son temps assis par terre dans une fanc, à lire...). Je trouve que Genette est un auteur dans la catégorie "pas chiant" (je ne citerai pas de noms mais y a des bouquins nom de ciel faut être motivé sec pour se les cogner)

la pertinence d'un choix de description : en fait pour un linguiste (ou sémanticien ou ce qu'on voudra) ce n'est pas une question de subjectivité. C'est un peu comme si tu veux ouvrir une bouteille : entre une fourchette, un pic à glace et un tire-bouchon, il y a un machin auquel on peut raisonnablement attribuer un degré de pertinence+ par rapport aux autres, selon les critères définis par l'action entamée et la justesse fournie par l'outil. Maintenant, si aucun des outils dispos ne permet d'agir, il reste à l'utilisateur à créer son ustensile. Idem pour le chercheur : il est dans le cas de penser la matière avec les outils dont il dispose, ou de repenser les outils pour penser pertinemment la matière.
"inventer le nom de la figure" en somme : bâtir le concept qui rend compte de la chose, ou en aménager un existant de façon satisfaisante (ce qui revient à une création).