vendredi 15 février 2008

La montre

Ma collègue M. travaille comme secrétaire deux étages au-dessus du mien. Je l'apprécie beaucoup. Quand j'ai affaire à elle dans le cadre professionnel, je savoure les visites que je lui rends. Elle les égaie par sa sympathie, ses sourires mi-figue mi-raisin, ses goguenardises impayables envers telle ou telle personne que nous exécrons tous les deux. Il est bien doux de communier dans ces menues détestations ! Quand je fumais, nous nous retrouvions au pied du bâtiment - rarement, mais à mon grand plaisir, car elle ne fume qu'en cas d'urgence et ne pétille jamais autant qu'en laissant libre cours à son stress. Elle a toujours une anecdote épatante à dégainer : des potins, des histoires de famille, un décès de derrière les fagots, l'affaissement de sa maison, etc. Voici donc la dernière de M.
Il y a quinze jours, M. fait un violent cauchemar. Elle assiste en rêve à la mort de sa mère. Elle se réveille en sursaut, il est cinq heures du matin. Depuis, son radio-réveil est bloqué sur cette heure et sa montre tourne à l'envers.
 
M. exhibe fièrement dans son bureau la montre en question. La pièce à conviction, assortie de commentaires angoissés, suscite dans notre docte communauté un étonnement amusé et incrédule. "Ah ! si les horloges du monde entier pouvaient en faire autant", lui dit-on. On se croit spirituel, tout le monde lui rebat les oreilles de cette plaisanterie. Trois horlogers auraient examiné l'objet sans y rien comprendre. Le troisième, après avoir changé la pile sans parvenir à inverser le mouvement, l'a interrogée sur les circonstances de ce mystère. Elle lui a conté sa petite histoire. Le monsieur s'est signé et l'a enjointe à ne plus "penser à la mort".

Sacrée M. ! Ces quelques fleurs pour elle...

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