jeudi 29 janvier 2009

Opéra'n'Roll

Dans un entretien accordé au Monde il y a quelques semaines, le baron Mortier fustigeait à nouveau le prétendu conservatisme du public de l'Opéra. Ce faux débat faisait sourire ; sa récurrence, son indignité fatiguent. Malgré son titre, l'homme n'entreprend pas de redonner à cet établissement ses lettres de noblesse. Au contraire : "anti-franquisme", démocratie, jeunisme, mise à bas de l'Opéra comme expression d'une culture "grand-bourgeoise", tels sont ses mots d'ordre. Une révolution, qu'on leur coupe la tête ! Dans sa bouche se déploie une rhétorique de lutte des classes médiocre et désuète, qui fleure bon ses seventies. Naturellement on ne discute pas la qualité de tel ou tel spectacle, laissée à l'appréciation de chacun, ni la qualité générale de ses programmations. La question n'importe pas. Seul importe le geste politique. Tout est politique : écouter, regarder, applaudir, huer, ricaner, cracher, ne rien dire, tonitruer, respirer peu, respirer fort, quoi que vous fassiez vous voilà propulsé dans un camp ou l'autre de la guerre des catégories socioculturelles. De l'Opéra, exit le sale plaisir, ce luxe aristocratique, le plaisir qui émeut, qui titille dans son mystère et sa beauté, la vibration esthétique dont l'espoir fait qu'on retourne, malgré tant d'ennui et d'énervement, à Bastille ou Garnier sans tenir compte des critiques ni des élucubrations d'un directeur sur le décours. 

Selon le baron Mortier, "l'Opéra de Paris n'a pas le public qu'il mérite (...) [Il] rêve d'avoir le public du Théâtre de la Ville ou celui de La Colline. (...) Cela dit, par [son] action, le public grand-bourgeois du 16ème arrondissement a diminué". Alleluia. Que je fréquente à l'occasion les théâtres cités, avec bonheur parfois, et que j'exècre sa programmation comme ses propos, voilà qui ne compte pour rien ; il parle grosso modo, transvasant le public en pensée d'ici à là comme on transbahute des pâtés. 

Un sens minimal d'observation suffirait pourtant à s'assurer que ce monsieur se trompe de deux façons.

D'abord dans la contradiction interne à son discours. "[Le] gros défaut [des Français] est d'avoir un avis sur tout, même sur ce qu'ils ne connaissent pas." Il en appelle donc à un public de connaisseurs, habilités seuls à émettre une opinion sur ce qu'ils voient. Comment entrer dans le cénacle ? Par votre faculté à encenser sans réserve. Les cochons dédaignent la confiture : ce sont des cochons, on vient de vous le dire ! Et qu'ils culpabilisent d'être cochons, ils savent où trouver la rédemption. Sous un discours populiste, ce n'est qu'un autre élitisme que le Baron veut établir. N'est-ce pas par une contradiction similaire qu'ont flanché les totalitarismes socialistes ?

Par ailleurs, M. Mortier se trompe dans son propos même. Car son Opéra s'est enfin attaché le public qu'il mérite : un public de rustres et de malappris.

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Vous arrivez bien à l'heure. Deux amis vous accompagnent. Vous montez trois étages pour constater que la loge n°4, contrairement à ce qu'on vous a affirmé au téléphone, se situe totalement de côté près de la scène et non proche de l'amphithéâtre. Vous n'y verrez pas grand-chose, à part en plongée sur la fosse. Tant pis. Vous attendez que l'ouvreuse déverrouille la loge quand vous constatez que le couple près de vous a en main des places portant les mêmes numéros que les vôtres. Vous vérifiez les dates : tout pareil ! C'est insensé ! Que vous ayez gravi ces escaliers les premiers, atteint la porte les premiers, attendu en tête, acheté même les places depuis des mois, n'y fera rien : Porcinet et Porcinette vous bousculent, se précipitent et s'avachissent quand vous essayez encore de réfléchir avec l'ouvreuse à une solution. La jeune femme, dépassée par l'événement, tente de prévenir un supérieur vers qui vous diriger, non sans se faire alpaguer vingt fois en chemin par des personnes en quête de leurs sièges. Vous la suivez en pestant. Quelle lenteur...

Elle disparaît dans l'amphithéâtre, en ressort aussitôt. Puis rien. A-t-elle prévenu ? Elle a prévenu. Attendre... L'heure file. Placeur n°1 apparaît. Il semble, contrairement à sa collègue, maîtriser les rouages de la maison. Enfin le Messie ! Le temps de retourner à la loge, de vérifier les dires, de saisir l'ampleur de la situation, d'échanger deux mots avec le couple qui refuse de bouger, et le voilà presque aussi dépourvu que Petite Ouvreuse. Déception. Porcinet lui lance, l'oeil en coin : "Faites-les donc descendre à l'orchestre, ils le méritent bien !" Qu'ont-ils donc tous en ce moment avec leurs obsessions de mérite ? Porcinet, qu'est-ce qu'il mérite ? Dites-moi ! Et pourquoi tout cela ne se règle-t-il pas d'un coup de talkie au contrôle ?

Deux solutions : les places de secours, scandaleusement malcommodes et d'un niveau bien inférieur au tarif que vous avez payé ; ou descendre à l'accueil rechercher dans le système informatique les places encore disponibles. Vous vous méfiez du système : n'a-t-il pas déjà revendu toutes les places en quadruple exemplaire ? Pas le choix, vous redégringolez les étages. Vous espérez l'orchestre, sinon la corbeille. Au contrôle, il faut attendre. Un vendeur de programme vous somme même de vous dépêcher. Tiens, trois sièges sont disponibles. Où ? Là-haut. Zou, on remonte. Au bon étage, Placeur n°1 tend les billets à son collègue et lâche : "Loge 30". 

C'est là. C'est marqué, là. Vite ! L'orchestre joue. Placeur n°2 regarde les billets, interloqué : les numéros ne correspondent pas. Placeur n°1 s'est éclipsé dans la seconde, qui pourra lui expliquer ? "Mais... loge 30 ? Qui vous a dit loge 30 ?" Vous vous énervez : enfin, son collègue vient de le lui dire ! Vous venez du contrôle ! Il veut qu'on retourne vérifier ? C'est vrai, vous n'avez rien de mieux à faire de votre soirée sinon monter/descendre ce foutu escalier... Placeur n°2 s'irrite de votre ton, fronce les sourcils et vous prend de haut : "Franchement Monsieur, vous avez plutôt intérêt à vous calmer." Vous vous moquez totalement de l'endroit où situer votre intérêt, le spectacle a commencé. Engouffrez-vous dans la loge et tentez donc de vous y installer. Et en silence ! Non mais !...

Trois rangs de deux chaises. Le troisième rang est occupé, puis une marche descend vers deux chaises libres, plus une contre la rambarde à côté de Vieux Moustachu Malodorant. Vous vous faufilez. Vous tentez de vous asseoir derrière VMM. Las ! il allonge si loin ses jambes que vous ne disposez que de dix centimètres pour vos genoux. La marche vous empêche de reculer. Vous lui demandez en chuchotant d'avancer son siège. Il souffle, maugrée, vous envoie paître et n'en fait rien. Vous vous contorsionnez. Vous insistez. Il se bute. Vous êtes coincé. Rien à faire.

Récapitulons : on vous a délivré des informations erronées lors de l'achat de l'abonnement il y a six mois ; les mêmes places ont été émises deux fois ; au jeu des chaises musicales, c'est le gros derrière du premier rustaud venu qui gagne ; les placeurs n'ont pas les moyens de gérer la situation en un temps optimal ; on vous a fait monter, descendre, remonter tous les étages ; vous manquez le début du spectacle ; le personnel vous toise ; le public vous emmerde. 

Viva la musica. 

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Quel idée d'aller a l'opéra aussi!! L'UGC c'est mieux

Anonyme a dit…

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