lundi 5 janvier 2009

La petite maladie

L'année aurait pu mieux commencer. Le poivrier s'étiole, le pot du ficus est mangé de champignons bizarres. J'ai trouvé à mon retour un cactus dégonflé comme une baudruche. Vite, l'imiter ! Avec un mot du docteur, je reste chez moi à regarder par la fenêtre tomber la neige. Me voilà comme les grenouilles dans ces bocaux, sans la distraction de congénères avec qui batifoler. Dans l'appartement voisin, occupé par une vieille dame dure de la feuille, le téléviseur tonitrue depuis la première heure. Seigneur ! La musique de la pub Herta suffirait à me déclencher des nausées.

Mon goût se trouve si dénaturé par les médicaments ou par la maladie que la perspective de boire un thé me répugne. L'eau me paraît déjà trop lourde. Allez, je ne me sens pourtant pas si mal - juste amer et lent. 

Certains charlatans proposent aux désespérés de réfléchir au sens de leur maladie... Comme si elles pouvaient en avoir davantage que la vie même. J'avoue ne pas avoir lu la totalité de l'article en lien, c'est encore au-dessus de mes forces. Cependant je confesse un faible pour les phrases du genre : "Les animaux utilisent leur vessie pour marquer leur territoire sexué et nos cystites traduisent bien une difficulté à se positionner vis-à-vis d'un partenaire. Les mâles dominants qui ne peuvent garder le contrôle de leur territoire femelle meurent d'un infarctus. Nous humains faisons des infarctus quand notre territoire est envahi et que nous en sommes chassés.

N'est-ce pas délicieux ? Victoire de la pensée ! Lumière de l'argumentation ! Comme tout s'éclaire par le symbole ! Saluons la limpidité, la pertinence des rapprochements. Les faits ne sauraient contredire de si belles images ; alors comment n'avions-nous pas plus tôt réalisé comme les cocus sont cardiaques ? Dans la seconde, que les trois quarts de la population mariée de ce pays succombent à une ischémie myocardique : paf !

Plus qu'aucun autre, le mot bien ("nos cystites traduisent bien...") fait mes délices. Ah ! j'aurais aimé l'inventer, ce bien-là. Grâce à lui, l'aberration devient truisme. Otez-le dans la phrase : rien à faire, ça ne va pas, les deux propositions ne se coordonnent pas. C'est ce bien qui, en renforçant l'analogie, donne sens à l'ensemble. Magique. Mars entre en Sagittaire et la bronchite est bien signe d'un rejet affectif. La durée de gestation du requin lézard peut aller jusqu'à deux ans et c'est bien à cet âge que mon neveu a contracté la polyo. Net et sans bavure. On en pleurerait.

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Avant de laisser monter les larmes, je me ressaisis et retourne à la fenêtre. Ah ! la la, tout de même, c'est bien joli la neige.

7 commentaires:

Anonyme a dit…

Bien vu.
En ce moment je suis hélas excessivement attaché à mes principes !

Patrick a dit…

Heureux homme. Personnellement, je refuse toujours aussi violemment de m'en laisser dicter.

VanessaV a dit…

Ah oui il y a des fois des analogies exaspérantes... je ne suis pourtant pas contre une idée de cycle, un rhume pour que le corps se défende pour la saison par exemple... mais celles dont tu parles, même si j'en ai entendu certaines de la bouche de ma mère, sont "fabuleusement" bien!

Quel dommage pour les plantes et l'homme grippé, en espérant qu'il reprenne très vite goût au thé!

Calyste a dit…

En parlant de principes: "Appuyez-vous sur les principes, ils finiront bien par céder!" Oscar Wilde (citation trouvée dans une papillote).

Raphael a dit…

"Mon goût se trouve si dénaturé par les médicaments ou par la maladie que la perspective de boire un thé me répugne."

De toutes façons, il me semble que la maladie créé une sorte d'hypersensibilité gustative qui rend l'expérience du thé éprouvante.

J'ai récemment contracté une belle grippe qui me rendait difficilement supportable les 6 premières infusions d'un Pu Er de 1968, pourtant bien civilisé.

geneviève meylan a dit…

hilarant article à l'humour décalé . c'est à se pisser de rire (si je puis me permettre ) Surtout que le génie qui trouve de la symbolique à tout a lui aussi 1 nom assez marrant , bref , il traîne peut-être ses sabots là où il ne devrait pas !
la neige ça console et ça apaise surtout quand on est dedans , au chaud .
Mais quand même bonne année, que de "dégonflée " elle passe en mode " vent vers le large ".

Patrick a dit…

Bonne année à toi aussi, Ginkgo !

Je vais beaucoup mieux mais ne me suis pas encore vraiment décidé à boire du thé. Toujours un goût métallique dans la bouche, je préfère attendre un peu.

L'excellent Calyste, toujours plein d'à-propos, part sur les chapeaux de roue pour gagner la palme 2009 du commentaire le plus drôle ! ;-) Comme on dit dans les parages : lol !