mardi 7 octobre 2008

Les montagnes jaunes

"Ce qu'il y a dans la montagne ?
Sur les cols des nuages blancs...
Je ne puis qu'en jouir tout seul
et ne saurais vous les donner."

Réponse à l'Empereur qui voulait savoir "ce qu'il y a dans la montagne"
T'ao Hong-King (452-536)

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Les pics se dessinent l'un sur l'autre, l'encre se délaie dans la distance. Par temps clair, le regard saute par-dessus les gorges. On avance de trois pas : les monts s'agencent encore différemment dans une perspective infinie. 

Aux heures de brume, la fraîcheur ne s'élève pas, elle saisit. On ne l'attendait pas, subitement le nuage nous pénètre. Le versant opposé se devine à peine. On continue à gravir quelques marches. A la faveur d'un étiolement du nuage, roulé par des mouvements d'air continus, on aperçoit la crête. Elle n'a jamais paru si proche.

La spirale d'un escalier enserre le rocher, les marches filent tout droit au fond d'un canyon, s'accrochent comme les pins à flanc de montagne, au-dessus d'un à-pic. Tout autour n'est que relief mais la topographie ne présente aucun obstacle. On se promène dans la montagne, dans ses pleins et ses déliés. Un chemin plonge dans la Mer de l'Ouest puis s'infléchit vers le Pic du Lotus. Ce n'est d'ailleurs pas un chemin ; qu'est-ce que c'est ? On le dirait posé là comme une brindille par le vent. 

Tant de peintres les ont célébrées, tant de poètes les ont chantées. Tant de lyrisme qui nous presse. Et cela semble si facile : voyez-les refléter nos âmes ! Oh ! pas d'emballement, regardons-les pour ce qu'elles sont. On pourrait souligner le caractère éminemment chinois de ces paysages changeants. Pour ma part, je les ai trouvées dans un état de nature bien ambigu : si accessibles et visitées qu'on les croirait hospitalières...

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Une Nature saturee de Culture
ou l'on n'est jamais alle mais que l'on a toujours connue
A jamais je me promenerai sur les rives du lac de l'Ouest, aux cotes de Su Dongpo indifferent a la foule qui me depasse...
Ce sont bien la les lieux ou l'on ressent profondement que, comme l'a dit Simon Leys, le patrimoine culturel historique chinois est avant tout d'ordre intellectuel


S.

Patrick a dit…

Yo !
Et le PC joue de cet esprit-là. Partout, ce pourrait être "balade avec Deng XiaoPing"...
P. xxx

Philippe a dit…

Que c'est beau, quelle chance tu as eue de pouvoir te rendre en Chine... Mon rêve depuis toujours !

Patrick a dit…

Il reste tant de belles choses à voir là-bas !
S'y rendre et y circuler ne pose pas de problème particulier. Dans ces régions visitées, les transports en commun sont très développés et les occidentaux peuvent à présent se déplacer librement. Par exemple, pour visiter les villages du comté de Yixian au sud de l'Anhui, il n'est plus question de "permis" à acquérir dans les commissariats, contrairement à ce qu'on lit encore dans les guides.
Dans cette Chine "riche", on pourrait être surpris de se sentir si peu dépaysé. Dans leur habillement, leur façon de vivre, ces chinois-là nous ressemblent beaucoup. En deux ans, j'ai eu l'impression qu'on ne crachait plus autant dans les lieux publics. J'ai même fait la queue, aux gares routières, dans des files où chacun attendait patiemment son tour - tout se perd. En corollaire, dans ces régions, la vie n'est pas particulièrement bon marché, surtout si l'on souhaite profiter au mieux de la gastronomie chinoise et si l'on considère qu'on a passé l'âge de s'infliger les dortoirs des AJ.
(Il y a deux ans, dans une AJ de Pékin, j'ai partagé une chambre avec, entre autres, un américain cacochyme d'environ 70ans qui dormait sous assistance respiratoire. Hallucinant.)