lundi 9 mars 2009

Paris, t'es nu !

Dieu sait l'origine de cette histoire. Ça a passé de ci, de là. Suivez la ligne de mire. Le compte à rebours a commencé. 500, 499... Alors je m'exécute (). Cinq cents secondes, dites-vous ? Voyons voir.

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Pas le temps d'un thé Gong Fu : en huit minutes et vingt secondes l'eau à peine aura frémi, on en serait encore à préchauffer les instruments. Si l'odeur des feuilles sèches dans la théière chaude vaut son pesant de cacahuètes, comment supporter d'en rester là ? Et dans l'excitation on s'empresserait, d'un mouvement désordonné on enverrait valdinguer le cháyú, les tasses à travers la pièce... Comment même se décider pour tel thé, tel autre en particulier ? Visez ces boîtes sur l'étagère : pourquoi la jaune plutôt que la bleue ? Un Rocher plutôt qu'un Bai Hao ? Un Dan Cong ? Un Dong Ding ? 

Ouh la la, on parle on parle, que de temps perdu en tergiversations. Pas beaucoup de secondes pour rêver non plus !

Ne pas paniquer. Procéder par ordre. D'abord le pognon : par la fenêtre dessus l'avenue. 

Je me précipite hors de l'appartement, m'élance dans l'escalier. Des générations de semelles ont usé le tapis jusqu'à la corde, il s'est déchiré par endroits ; je m'y prends les pieds et dévale une volée de marches tête la première. Crac fait le cou : mort. Eh ! il me restait quatre cents secondes au bas mot !

Je plaisante... Je me relève. Les fémurs me chatouillent les sinus, j'éternue une ou deux fois et reprends la course. Je bouscule l'idiot du premier, piétine le cocker du 6ème retour de sa promenade - il manque me faire trébucher une seconde fois, le con. La porte sur rue s'ouvre avec fracas. Voyez-vous l'affolé qui en jaillit d'un bond ? C'est moi...

Un taxi me renverse. Je saute dedans. 

Nous évitons de justesse un claquement de mâchoire du Lion de Belfort qui nous balaie d'un coup de patte. Il y a bien du courant d'air par ici... Je lève le nez : la voiture se démantibule, le toit s'est volatilisé, pris sans doute dans les griffes de la bête.

L'orage menaçait. La foudre m'atteint. Je m'y agrippe et vole.

C'est tout de même un peu chaud. Je n'y tiens plus et lâche au-dessus de la tour Eiffel. La main cramée, mal au derrière. Un toboggan de trois cents mètres, qui dit mieux ? La Grande m'envoie glisser sous le pont de l'Alma. Salut le zouave, permettez que je m'accroche à vos guêtres pour m'extirper du fleuve ? Allez, soyez sympa... Hé ! calmez-vous ! (Combien de coups de pied recevrai-je dans cette histoire ?) Et nous voilà repartis dans les nuages jusqu'à l'Etoile. Gooooal !

Je jouerais bien les arrêts de jeu mais mon corps ne répond plus. Le mental suit pourtant. On m'évacue sur une civière. Au cimetière de Montmartre ? Ah ! non alors, je proteste, ce n'est pas l'heure encore. Deux cents secondes environ, de grâce ! L'ambulance a manqué son virage : hydroglissade sur le canal et direct à Saint-Louis.

Le Quadrilatère est fermé au public. C'est scandaleux ! je fais demi-tour bouillant de colère. Le volte-face me bascule cul par-dessus tête dans l'écluse. À l'aide : comment distinguer le haut du bas ? l'eau de l'air ? Je me débats parmi des bulles par milliers, chacune diffracte à l'infini les rayons d'un soleil de fin d'après-midi. Je nage dans l'or du monde et d'un coup de talon sur quelque impossible bord, prenant appui sur un ou deux cadavres pris entre deux eaux, je refais surface sous le temple de la Sibylle au milieu du lac des Buttes-Chaumont. Il n'y a qu'à Paris qu'on voit des choses pareilles... Hein l'oiseau ? Il acquiesce et ricane. Il plane au ras de l'eau, je sens le souffle de ses ailes battre mon visage et ses serres me déchiquettent les épaules.

Survol de la République (ce qu'il en reste, merci...), du Louvre et de son prisme bizarre. Pas si souvent qu'on peut l'envisager sous cet angle... Où me mène ce rapace, le charognard ? S'il a un but, il ne m'apparaît pas clairement : un coup d'aile à droite, un coup d'aile à gauche, j'en ai ras-le-bal de me faire ballotter. Allez, quoi ! pas que ça à faire. L'étau enfin se relâche au-dessus des serres du Luxembourg. Tous les diables ! un tintamarre de verre cassé dont les débris s'incrustent dans le peu de chair qui me reste. Ouh la la ! J'en oublie de humer au passage le parfum de ces fleurs tropicales. 

Enivré de douleur, avide de beauté, je cours comme un dératé. Je ne sais plus où trouver mon souffle. Je cours en tous sens, vers l'horizon qui s'approche, verticalement sur les murs. Paf ! 500 secondes et trente-six chandelles. Ma paupière s'alourdit, dernière image du monde : je les reconnais, ce trottoir, cette façade... Je suis en bas de chez moi. J'ai dû confondre la fenêtre et la porte. Ma voisine trouvera au matin les billets sur le palier. Quelle chance ! Elle qui n'a jamais gagné un sou au Keno ! En attendant mes organes font des arabesques, un bien joli dessin d'enfant sur le pavé. Je suis tombé longtemps mais d'un vol éperdu.

... 2, 1.

Même pas mal.

9 commentaires:

Calyste a dit…

Quelle créativité! Et merci pour le clin d'œil.

Anonyme a dit…

Bien joué ! (dans tous les sens de l'expression)
ça prend des proportions, c't'affaire !

Patrick a dit…

Aurais-je dû préciser que les 6 blogs en lien dans le texte sont ceux des nouveaux tagués ?
Entre ceux dont j'ignore s'ils me lisent et ceux dont je doute qu'ils en aient grand chose à faire, "l'affaire" va vite tourner court, allez...
Calyste, t'es motivé ?

Calyste a dit…

Merci, Patrick, mais pas trop le temps en ce moment: je suis dans le "Grand Œuvre", sais-tu! :-)))

Patrick a dit…

Benh voui Calyste ! Nous avons hâte de lire la suite de ton ambitieux programme !

Anonyme a dit…

tag relevé, ça va viendre bientôt, disons dans 500 secondes en temps suspendu, asap, une fois écoulées les tas de 500 secondes boulottières du sablier.

Patrick a dit…

Chouette !

Raphael a dit…

Tu es mort bien des fois dans ce texte et pourtant plus je le lis plus tu me sembles vivant !

Patrick a dit…

C'est que j'en doute souvent moi-même, dis donc !...