lundi 16 juin 2008

Les pieds là

Lu dans le billet n°255 d'Eric Chevillard : "Parfois, lire et écrire me tombent des mains. Je profite alors de ces bras ballants pour me laver les pieds."

Les miens sont d'un rose laiteux, étincelants et parfumés. On en mangerait.

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Jeu du langage ? Logique de l'image ? En réalité, nous le savons : pour mettre au jour l'absurdité des choses, il faut les bousculer un peu, ce qui ne va pas sans effort. J'aime ainsi sa manière élégante de suggérer qu'il n'y a qu'à regarder le monde pour trouver matière à rire. Quelle efficacité ! Prenez la girafe, ou n'importe quel spécimen du règne animal. Depuis Chevillard, il suffit que j'en imagine une pour m'esclaffer sans vergogne à cause de ce long cou si ridicule et malcommode. 

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Le drôle s'inventa l'auteur du "Vaillant petit Tailleur". Cela me valut bien d'autres éclats de rire - de ces rires tonitruants sur lesquels s'ouvre le premier chapitre. Et Crab plié en quatre ! Palafox qui se gondole ! Les jours où tout m'agace, où je m'éreinte à ramasser le ciel trop bas tout en basculant le poids du monde d'une épaule à l'autre (essayez, vous verrez comme c'est confortable...), je m'en remets au "Tailleur". Chevillard, en bon athlète, y frappe toujours plus fort : huit d'un coup ! J'applaudis de mes deux pieds si jolis.

samedi 14 juin 2008

La tête ailleurs

La barbe de Rheinberger.

Ce chœur de San Francisco ne s'en sort pas mal du tout !


On peut toutefois préférer cette version.

lundi 9 juin 2008

Peter Doig !



"La Femme au portrait" passait hier à l'Action Écoles. La mise en scène de Fritz Lang joue des oppositions et des profondeurs de champ pour soutenir une intrigue abracadabrante. Je comprends cette fascination pour le reflet. J'y perçois autant de raisonnements par l'absurde sur notre unicité. La possibilité d'un contraire, selon l'angle sous lequel on la considère, peut sembler tantôt angoissante, tantôt rassurante. Je préfère toujours l'envisager.

La question du double n'est pas qu'existentielle, aussi interrogation du regard. Au fond, ce n'est pas tant le réel qui importe. N'est-ce pas le boulot de l'artiste, de nous donner à voir ? Et qu'il le fasse sans étouffer sa production sous trop de glose, si sa toile me kidnappe en baladant mes yeux, je suis une minute le plus heureux des hommes.

J'ai découvert pour moi-même. Je veux dire : je ne découvre pas l'Amérique, ce monsieur a eu quelques jours la satisfaction de se savoir l'artiste vivant le mieux coté au monde. Je n'en avais jamais entendu parler. Oh ! je n'avais pas beaucoup cherché mais je m'amuse de ces pans infinis des choses qui nous échappent. Le Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris, après la Tate Britain, consacre une exposition à sa production des quinze dernières années. Plusieurs jours après les avoir vues, certaines toiles ont tellement imprégné mon inconscient que je les rêve. Cette nuit, c'était une silhouette blanche dans les arbres.

J'ai écrit "interrogation du regard", le lieu commun peut irriter. Face à une toile, quand on ne sait plus ce qu'on regarde (on s'avance, on recule et les empâtements, les transparences et la couleur ne coordonnent pas toujours les plans de manière logique), quand on glisse dans l'espace propre à la toile, il vaut mieux ne pas s'interroger et laisser les éléments émerger d'eux-mêmes : réels ou reflétés, un horizon caché émerge ici trop haut, des figures s'estompent, l'homme, la nature, tout y paraît suspendu par la force de l'onirisme.

Chez Peter Doig, je relève de nombreuses références à des peintres qui l'ont précédé : Monet et ses nymphéas dans l'obsession du reflet et l'indifférenciation de l'espace, Hopper à l'inverse dans certaines lignes de fuite marquées, le Douanier Rousseau pour ses jungles naïves et l'irruption de l'animal, Bacon dans la manière dont s'efface un visage, même Soulages dans le noir lumineux d'un tronc d'arbre ou Munsch pour certain vert, certaine position des mains encadrant un visage. Et Bonnard ! Au-delà de la citation, tout se condense ici en une touche personnelle, sans cesse renouvelée et inventive.

Enfin, quand on ne veut plus rien savoir de ce qu'on voit, restent couleur, forme et matière, toutes choses concrètes formant la base de la composition, qui m'ont communiqué souvent l'impression du beau. Allez, voilà qui n'est pas rien ! et j'aspire encore à voir comme Peter Doig.

samedi 7 juin 2008